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Photographe de la galerie Ségolène Brossette Paris
segolenebrossette.com
Photographe de la galerie Artistics Paris
artistics

Passager de la nuit

La substance nocturne enveloppe le passager, le happe dans le silence et l’invite à l’errance au-delà des frontières et des métaphores de la rationalité. Ses idées défilent sans qu’il cherche à les domestiquer, assailli par ses angoisses, submergé par l’espace pur, absolu, une idée de la mort. Il voyage tel un funambule sur l’ambivalence entre réel et fiction, rêve et hallucination, suspendu à l’espace cosmique du ciel, conscient de l’architecture invisible du monde. Là commence l’avancée vers l’initial, quand la nuit ouvre en nous les yeux infinis d’une intériorité qui suppose le silence des perceptions. Il devient à la fois infiniment petit et infiniment grand pour se fondre dans l’espace universel.

Le passager ne goûte ces saveurs que furtivement. L’avant-garde de l’armée destructrice du toujours plus met la nuit en danger en progressant dans le temps et dans l’espace. Le front avance, l’économie mondialisée du temps global colonise, grignote le noir au nom de la marchandisation du monde et de l’hégémonie de l’efficacité. La frénésie du « tout, partout, tout le temps »…

Le regard ébloui par ce qui brille, irrésistiblement attiré, le papillon qui vient se brûler les ailes nous ressemble. Diurniser la nuit, c’est vouloir extirper l’homme de sa condition, c’est soumettre la nature, étendre notre emprise à toute la planète. Nous exposons ainsi notre société, perdant toute spiritualité, aux menaces du tout argent et au délitement de notre identité.

Résistant, Le passager de la nuit franchit des portes, déplace des frontières, pénètre des zones interdites, construit à sa façon des relations entre ce que le jour fragmente et éloigne. La nuit, il n’y a pas d’arrêt, le déplacement est continu, il s’agit toujours de passer d’un côté à l’autre. Ce faisant, ce voyageur de l’utopie éclaire des territoires que le jour, avec ses segmentations de lumière, ne sait pas voir et parfois ne veut pas voir ou craint de reconnaître. Il s’agit d’aller en terre inconnue, là où l’attachement à une pensée unique n’est plus possible.

Nous faire croire que la lumière artificielle suffira à chasser « le monstre », c’est nous leurrer et prendre pour définitive une fuite qui n’est qu’illusoire. Car nous le côtoyons au quotidien, bien éclairé, tellement visible que nous en oublions son règne.

Nous sommes responsables de la destitution de la nuit étoilée face au prolongement artificiel du jour. La nuit, ce temps substance mérite son caractère inappropriable afin que chacun puisse conserver une approche plus intime, plus intuitive de ce qui nous entoure. Un rapport poétique au monde.

 

  • Il fait nuit ?

  • Ca dépend.

  • Ca dépend de quoi ?

  • De nous.

             (Robert Lévy)

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